Les masques

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Détail de l’atelier de Paris

Nous avons terminé cette deuxième série de photos. Nous remballons les œuvres dans leur papier bulle. Isabel est remontée sur la mezzanine, je lui tends les cadres et les boîtes. Il va falloir revenir, au moins deux ou trois fois encore. Et il reste cette grande œuvre recouverte d’une toile jaunie par le temps, qui couvre tout un mur et qui m’intrigue tant. Soulever ce voile et faire s’envoler la poussière des souvenirs, encore.

C’est Isabel qui revient à Louise Bourgeois.

– Tu savais qu’elle s’était fait photographier avec la sculpture d’un pénis ?

– Ah oui, je l’ai lu dans ce livre dont je t’ai parlé. C’est Mapplethorpe qui l’a photographiée. (Elle est venue au studio avec Petite Louise. Elle était intimidée par le célèbre photographe, elle pensait que sa sculpture serait plus intéressante qu’elle et en même temps, elle avait besoin de provoquer. Quelque chose comme ça.)

Sacrée petite bonne femme ! Complètement dans ton genre, Isabel. Pour elle la renommée était venue tard, très tard. Elle avait la soixantaine. Mais elle n’avait pas arrêté de travailler. Je suppose que toi non plus tu n’as jamais cessé de travailler et que tu travailles depuis que tu es toute jeune. J’aimerais bien parler du début de ta grande course artistique. Ton enfance, tes souvenirs. Regarder des photos avec toi. Et puis j’aimerais te voir travailler. Je te demanderai l’autorisation de te regarder travailler. Et comme si tu lisais dans mes pensées, tu me montres un morceau de moule.

– Tu vois, c’est du caoutchouc.

– Dans du plâtre ?

– Ah oui, le moule est en plâtre, bien sûr.

Je touche la matière brune et douce. Je n’y connais rien de rien en moulage. Un fantasme de gros élastiques plats fondus ensemble me traverse.

– Ce caoutchouc, il se présente comment ?

– Ce sont des feuilles, comme des feuilles de papier. Des feuilles de caoutchouc.

– Que tu trouves dans le commerce à Paris ?

– Oui, chez Adam. C’est là que je vais, ce n’est pas très cher et puis j’ai ma carte de la Maison des Artistes. Pour les masques je prends du plâtre qui sèche très vite.

Elle raconte comment elle a fait le masque d’un ami.

– Alors, il était quand même un peu inquiet. Pour le rassurer, je lui dis : si tu sens que ça ne va pas, tu me donnes une tape, comme ça. Alors, je lui ai mis le plâtre, et puis je me suis mise à travailler. Au bout de quelques secondes à peine, il m’a tapée et je me suis demandée ce qu’il voulait. Il me tapait très fort et moi j’avais complètement oublié ce que je venais du lui dire ! Quand je lui ai enlevé le plâtre, il était tout rouge ! Mais rouge !

Je repense au livre de Xavier Girard. Louise Bourgeois a fait son masque et lui a mis une paille dans chaque narine et au milieu des lèvres.

– Tu laisses un orifice dans la bouche et les narines pour qu’il respire quand même ?

– Ah oui !

Plus tard elle me dit qu’Arrabal est allé à New York pour faire faire son masque par Louise.

Isabel a essayé avec Juliette Gréco mais elle ne le supportait pas.

Le moulage du visage de Delphine Seyrig est accroché dans la salle à manger de Paris.

Entretien de Dominique Dreyer avec Isabel Echarri au cours de la visite à l’atelier de Paris du 9 avril

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Empreinte de Delphine Seyrig Référence : IE 2016 DD #0048 Date à confirmer Sculpture papier sans boite d’artiste en plexiglass, signé par Isabel Echarri Dimensions à confirmer Collection de l’artiste – Disponible

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