
Portrait paru dans la Gazette Drouot le 27 janvier 2017
Mi-novembre 2016, Mathias Coullaud est dans les derniers jours de l’accrochage des toiles de Jérôme Borel. C’est un succès pour cette belle galerie du haut-marais.
L’exposition est couronnée par l’acquisition d’une grande toile par la Collection de la Société Générale. Plus récemment, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris confirme l’entrée dans ses collections d’une autre toile.
Mathias pense avoir une idée pour Isabel, une maison de vente, la maison Leclere.
– Mathias, retrouvons-nous directement à l’atelier d’Isabel. Vous jugerez sur pièce. Vous nous direz si cela vaut la peine d’aller plus loin !
Depuis plusieurs mois, l’imprégnation des travaux d’Isabel est quotidienne, difficile de conserver le recul suffisant. L’oeil neuf et professionnel de Mathias est précieux.
Rendez-vous est pris quelques jours plus tard à l’atelier de la porte d’Orléans.
– Mathias, préparez-vous à faire un voyage formidable dans le temps.
Ces appartements-ateliers de la Ville de Paris ont le cachet qu’on leur imagine 8 étages plus bas, avec leurs imposantes verrières.
Le charme opère. Mathias a des origines basques. Cela ne trompe pas Isabel. Elle est fière de ses 16 prénoms !
– Diego est nettement moins « authentique », il a seulement 4 ou 5 prénoms, précise Isabel
Nous dirigeons Mathias à l’atelier. Selon ses recommandations, nous avons regroupé des oeuvres anciennes allant jusqu’aux milieux des années 90.
Mathias interroge.
– Et pourquoi pas celle-là ?
– L’oeuvre est datée de 2000 !
A l’évidence, il faut inclure « Jeux des mains » et « Emociones perdidas ».

Jeux des Mains, 2000 (Remerciements photo Henri du Cray)

Emociones perdidas, 2000 (Remerciements photo Henri du Cray)
Les livres-objets nous laissaient perplexes. Bibliophile averti, Mathias les trouve formidables. Au total, ce sont plus d’une soixantaines d’oeuvres parmi lesquels il faudra encore faire des choix.
En traversant l’atelier de Diego pour rejoindre l’appartement, Mathias s’arrête sur les maquettes de décor. Elles doivent rejoindre prochainement la BnF. Isabel et Diego n’en conserverons que 2 ou 3.
D’un seul regard, sans besoin de chercher une étiquette, Mathias cite une à une toutes les productions.
Isabel n’est plus certaines, mais Diego au loin confirme !
– Mais tu t’y connais, Mathias ?
Le courant avec Isabel est passé, au-delà de nos espérances. C’est un coup de coeur pour cette fragilité maitrisée du papier, de cette matière martyrisée avec sensualité.
Reste à associer à cette enthousiasme Adrien Lacroix de la Maison Leclere, car c’est décidé, il faut passer à la prochaine étape.
La situation d’Isabel est un paradoxe.
Soutenue par d’éminents critiques, exposée dans des institutions prestigieuses, diffusée pendant des années par des galeries dans plusieurs pays, aucune de ses oeuvres, n’est jamais passée en salle des ventes.
Elle a vendu une grande partie de ses créations, conservant un petit « stock » pour réaliser des expositions. Isabel produit peu, chaque étape du processus requière une préparation longue et délicate.
Aucune oeuvre vendue aux enchères !
C’est le signal fort que les collectionneurs, que les institutions ont conservé les oeuvres acquises. Mais cette absence de confrontation aux lois du marché exclue Isabel des repères actuels de la côte d’un artiste.
Quelques semaines plus tard, rendez-vous est donné à Adrien avant qu’il ne retourne à Marseille. Adrien avait prévu de rester une petite demi-heure. Il change bien vite son billet de train. Il est saisi par la vitalité extraordinaire d’Isabel, par son assurance et sa conviction dans son travail.
Après le filtre de Mathias, celui d’Adrien.
De soixante, nous passerons à 20 oeuvres et 24 lots.

Postwar et contemporain – Exposition les vendredi 25 mars & samedi 26 mars 2017 – Vente le lundi 27 mars 2017 14H30 à Drouot
Adrien écartera les livres-objets. Isabel est déçue, mais Adrien a une vision d’ensemble de la vente. Ces ovnis fantastiques ne s’y prêtent guère, ne serait-ce pour des questions liées à leur manipulation délicate.
Depuis, quand nous faisons le point avec Isabel, quand nous lui parlons d’Adrien et de Mathias, Isabel ne peut s’empêcher de s’exclamer avec un grand sourire :
– Mathias, c’est le basque !
Par Lionel Baert, le vendredi 10 mars 2017
Portrait de Mathias Coullaud signé Patrick Scémama pour la République de l’Art